

Tour de France: Pauline Ferrand-Prévot, l'étoile mystérieuse
Perfectionniste, obstinée, solitaire et insaisissable: Pauline Ferrand-Prévot, lauréate du Tour de France pour la première fois dimanche, un an après son sacre olympique en VTT, est à la fois l'égérie et l'étoile mystérieuse du cyclisme féminin avec ses parts d'ombre et de lumière.
Touche-à-tout géniale, polyvalente au possible, la Rémoise de 33 ans collectionne les titres, dont quinze de championne du monde, dans toutes les disciplines (route, cyclo-cross, VTT, grave). Et la voilà qui, en l'espace d'un an, vient d'ajouter à son CV déjà bien rempli à la fois le Graal olympique - au bout d'une longue quête - et la Grande Boucle - au terme d'une démonstration de force impressionnante dans son final.
"Remporter l'or, c'était vraiment l'objectif de ma carrière. Gagner le Tour, c'est plus un défi", déclarait-elle samedi, après avoir assommé la concurrence au sommet du Col de la Madeleine, climax parmi tant d'autres d'une carrière aux multiples rebondissements.
Prudente, "PFP" avait pourtant dit se donner "trois ans pour remporter le Tour". Exploit réussi dès la première tentative, en ayant balayé les incertitudes la concernant au sortir d'un printemps contrasté, puisque après avoir remporté Paris-Roubaix en avril, elle avait abandonné le Tour d'Espagne avant la 5e étape, début mai.
"Pauline m'a dit: +Faites moi-confiance, je vais me préparer et je serai prête pour le Tour", se souvient auprès de l'AFP Jos van Emden, manager de l'équipe Visma-Lease a Bike avec laquelle la Française est sous contrat.
Et d'ajouter: "Elle n'a rien laissé au hasard, c'est une perfectionniste", qui a enchaîné les entraînements et les reconnaissances du parcours de la Grande Boucle, souvent suivie et protégée par la voiture de son père Dany.
- "Un caractère" -
"Sur le vélo, c'est sa maman. Un caractère. En dehors, c'est plutôt son père, cool", décrit son compagnon, le cycliste néerlandais Dylan van Baarle, pour résumer la personnalité de l'ex-princesse de la "petite reine", qui cultive aussi les paradoxes.
Lorsqu'elle s'exprime, elle apparaît souvent souriante, lumineuse. Sauf qu'elle ne s'exprime pas souvent, préférant se cloîtrer chez elle ou en camp d'entraînement pour vivre sa passion à fond, sans regard extérieur. "Je me sens mieux quand je suis seule", dit-elle.
Pour avoir de ses nouvelles, il faut souvent se contenter de ses posts sur Instagram où elle s'affiche avec sa famille, Dylan van Baarle, vainqueur de Paris-Roubaix en 2022, ou son chien.
"PFP" est souvent insaisissable, jusque dans les couloirs de la Fédération française de cyclisme où on s'arrache parfois les cheveux devant ses tergiversations sinon ses absences à des rendez-vous. "Avec Pauline des fois, c'est difficile d'avoir les infos, le tempo, etc. C'est elle qui le donne", résumait l'an passé Yvan Clolus, le manager des Bleus, qui fut son ancien entraîneur personnel.
"Je me suis coupée de tout et ça a été bénéfique. Les gens disaient: +Tu as l'air triste+. Mais en fait j'ai vécu mes meilleurs moments parce que je n'avais de comptes à rendre à personne", justifiait-elle durant les JO, dont elle n'avait pas voulu regarder la cérémonie d'ouverture, pour mieux rester dans sa bulle.
Très exigeante avec soi-même et les autres, Ferrand-Prévot a pu se fâcher avec certains membres de son entourage durant une carrière faite de beaucoup de hauts mais aussi de bas, avec notamment des problèmes de santé (sciatique, endofibrose iliaque).
- "Psychorigide" -
Sur le plan personnel aussi, la vie a été agitée parfois pour l'ancienne compagne du triathlète Vincent Luis et du double champion olympique de VTT Julien Absalon.
Lorsqu'elle fut la première femme à intégrer la superstructure d'Ineos fin 2022, celle qui convient être parfois "un peu psychorigide" à force de ne rien laisser au hasard a eu "l'impression d'être enfin comprise".
Chez les Britanniques, elle a trouvé une philosophie qui lui sied. Et elle en a scié quelques-uns par son engagement total, notamment lors des stages communs avec les garçons où elle commençait sa journée par 45 minutes de gainage quotidiens. Passée cette saison chez les Néerlandais de Visma-Lease a bike, elle a poursuivi au sein d'une structure de tout premier plan.
Depuis toute petite, on lui promet un destin en or. Née dans une famille de cyclistes - son oncle a été champion de France de cyclo-cross, son père tenait une boutique de vélo -, elle a commencé à pédaler sur route dès ses cinq ans. Surdouée, elle remporte le titre de championne de France sur route chez les cadettes alors qu'elle est encore minime première année.
A l'étage supérieur, les trophées s'enchaînent. Tout lui réussit, sauf les JO où elle va de crash en crash (26e en 2012, abandon en 2016, 10e en 2021). Elle sombre totalement. Chaque entraînement devient "un calvaire".
Sa victoire aux Jeux de Paris n'en a été que plus belle et l'a totalement libérée, jusqu'à ce triomphe alpin dominical dans ce maillot jaune qui lui va si bien.
P.Caruso--GdR