Giornale Roma - Battue, agressée sexuellement, couverte d'excréments: une militante ougandaise raconte la torture en Tanzanie

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Battue, agressée sexuellement, couverte d'excréments: une militante ougandaise raconte la torture en Tanzanie
Battue, agressée sexuellement, couverte d'excréments: une militante ougandaise raconte la torture en Tanzanie / Photo: Badru KATUMBA - AFP

Battue, agressée sexuellement, couverte d'excréments: une militante ougandaise raconte la torture en Tanzanie

Dénudée, battue au point de ne pouvoir marcher, agressée sexuellement, couverte d'excréments: la militante ougandaise Agather Atuhaire, retrouvée vendredi après avoir été enlevée plusieurs jours en Tanzanie, a raconté à l'AFP les tortures qu'elle dit avoir subies dans ce pays critiqué pour sa répression politique.

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Cette activiste des droits humains, avocate et journaliste indépendante, lauréate l'an dernier d'un prix international des Femmes de courage reçu des mains de l'ex-Première dame américaine Jill Biden, avait été arrêtée lundi en même temps que le militant kényan Boniface Mwangi à Dar es Salaam, capitale économique tanzanienne.

Tous deux étaient venus soutenir le chef de l'opposition tanzanienne Tundu Lissu, qui comparaissait devant la justice pour trahison, des poursuites passibles de la peine de mort.

Alors que M. Mwangi a été trouvé jeudi au bord d'une route du nord de la Tanzanie, près de la frontière kényane, Agather Atuhaire explique avoir été déposée vendredi au petit matin par des agents tanzaniens près de la frontière ougandaise. "Ce qui s'est passé en Tanzanie reste en Tanzanie", s'est-elle entendu dire. "Nous avons des vidéos de toi."

Des vidéos montrant les sévices qu'elle narre avoir subies la nuit de leur arrestation. D'abord "ils ont fait sortir Boni (Boniface Mwangi) de la voiture. Ils ont monté le volume de la radio, qui passait des chansons sur Jésus, du gospel (pour couvrir ses cris). Puis ils ont commencé à le frapper. Il hurlait", narre-t-elle.

Vient ensuite le tour d'Agather Atuhaire, qui explique avoir été dénudée, les mains menottées à ses chevilles, comme semblent le prouver des croûtes sur ses avant-bras et jambes. L'un des agents tanzaniens frappe alors "de toutes ses forces" la plante de ses pieds, tandis qu'un autre introduit quelque chose dans son anus, se souvient-elle.

- "Supplice" -

"Je ne me souviens plus quelle douleur était la pire. Elles étaient terribles simultanément", ajoute cette farouche critique du régime - qu'elle qualifie de "criminel" - du président ougandais Yoweri Museveni, arrivé au pouvoir en 1986, deux ans avant sa naissance.

Elle raconte également avoir eu le corps couvert d'excréments durant son "supplice".

Des scènes toujours filmées, "pour humilier, instiller la peur, mais aussi vous réduire au silence", analyse-t-elle. "Mais je ne suis pas ce genre de victime. Ils se sont trompés sur moi. Ce n'est pas à moi d'avoir honte".

Contacté pour commentaire, le gouvernement tanzanien n'avait pas répondu à l'AFP samedi à la mi-journée.

Lundi, jour de l'arrestation d'Agather Atuhaire et Boniface Mwangi, la présidente tanzanienne Samia Suluhu Hassan, candidate à sa réélection en 2027, avait demandé à ses forces de sécurité d'interdire le pays aux "activistes" étrangers "mal élevés" qui tentent de "s'ingérer dans nos affaires". "Nous ne devons permettre à personne, de l'intérieur ou l'extérieur (de la Tanzanie), de venir ici et de nous perturber", avait-elle averti.

Le lendemain de cette harangue présidentielle, après une nuit de souffrances, alors qu'elle ne "peut plus poser les pieds par terre" à cause des coups reçus, Agather Atuhaire reçoit l'ordre se "mettre debout, faire de l'exercice, sauter". "J'ai entendu Boni hurler alors qu'ils le forçaient à faire cela."

Les jours suivants, jusqu'à sa libération, la militante assure avoir toujours eu les yeux bandés, constamment dans l'angoisse de ce qui pourrait encore lui arriver.

- "Traités pire que des chiens" -

"Nous avons tous deux été traités pire que des chiens, enchaînés, les yeux bandés, et avons subi des tortures vraiment horribles", a confirmé Boniface Mwangi, qui peinait à marcher jeudi à son retour à Nairobi. "La situation en Tanzanie est très mauvaise. Je pense que ce qui nous est arrivé est ce qui arrive à tous les activistes tanzaniens", a-t-il dénoncé devant la presse devant un aéroport de la capitale kényane.

L'opposition tanzanienne et les ONG de défense des droits humains dénoncent la répression politique de l'exécutif. Principal adversaire de Mme Hassan pour la présidentielle de 2027, Tundu Lissu a été arrêté et inculpé début avril pour trahison pour ses "incitations à bloquer les élections", selon la police. Ses partisans dénoncent des accusations politiques.

Le parti de M. Lissu a également été exclu des prochaines scrutins, après avoir refusé de signer un nouveau "code de conduite électoral" qui selon lui n'incluait pas les réformes qu'il exigeait.

Agather Atuhaire veut, elle, déposer plainte contre la Tanzanie pour les tortures subies.

"Pour moi, la justice, le besoin de justice, dépasse tout, y compris un sentiment de honte que je ne ressens même pas", a-t-elle assuré à l'AFP.

"Bien sûr, c'est difficile. J'ai des douleurs physiques. Je suis sûre que je devrai composer avec la souffrance mentale, psychologique. Mais je ne donnerai à personne, à aucun de ces meurtriers, de ces organisations criminelles que nous avons pour gouvernements, le plaisir" de la voir brisée, a-t-elle lancé.

Samedi, le département d’État américain, "profondément préoccupé", a demandé "une enquête immédiate et approfondie sur les allégations de violations des droits humains" subies par Agather Atuhaire et Boniface Mwangui.

A.Serra--GdR