

Vietnam: les millions de scooters à essence d'Hanoï en sursis
Pour lutter contre la pollution, le Vietnam compte bannir la moto à essence du centre d'Hanoï à partir de juillet 2026, une décision choc pour bien des habitants de la capitale aux millions de scooters.
Les deux-roues sont indissociables de toute carte postale du pays, bien que bruyants et parfois peu regardants des règles de conduite.
Il n'est pas rare qu'une famille vietnamienne possède au moins deux scooters, privilégiés pour leur coût inférieur à celui d'une voiture, et leur maniabilité, dans des villes souvent embouteillées.
Pourtant, de nombreux habitants de Hanoï s'apprêtent à dire adieu à leur fidèle compagnon mécanique.
Une directive du Premier ministre publiée mi-juillet a instauré l'interdiction des deux-roues à carburant fossile dans le centre de la capitale à partir du 1er juillet 2026.
La zone concernée englobe, sur plus de 30 kilomètres carrés, le coeur historique de la ville, autour des lacs de l'Ouest et Hoan Kiem, prisés des touristes, où résident quelque 600.000 personnes.
Mais celle-ci doit s'élargir progressivement dans les années suivantes, selon le plan proposé par le pouvoir, qui prévoit d'incorporer les voitures à essence en 2028.
- "Drastique" -
La famille de Dang Thuy Hanh a besoin d'au moins 80 millions de dongs (2.600 euros) pour acheter des scooters électriques, un montant "énorme", concède cette femme au foyer de 52 ans.
"Bien sûr que tout le monde veut un environnement plus propre, mais pourquoi nous infliger ce fardeau sans aucune préparation?", s'est-elle étonnée, à l'image d'autres habitants, qui se disent choqués.
Sa famille habite dans une ruelle étroite, typique du Vietnam, sans aucun endroit pour recharger une moto électrique, et le système de transport public "n'est pas encore adapté", se plaint-elle.
Hanoï est régulièrement citée parmi les capitales les plus polluées du monde.
Le ministère vietnamien de l'Agriculture a assuré que plus de la moitié de la pollution de l'air provenait des quelques sept millions de deux-roues et le million de voitures -- qui fonctionnent en grande majorité avec un moteur thermique -- en circulation dans la mégapole.
"La pollution menace directement l'environnement, la qualité de vie et la santé des habitants dans la capitale", a répété mi-juillet le maire adjoint Duong Duc Tuan.
"On a besoin de mesures drastiques pour résoudre le problème", a-t-il assuré.
La pollution de l'air tue chaque année environ 70.000 Vietnamiens, a noté l'Organisation mondiale de la santé en 2024.
Un rapport de 2022 de la Banque mondiale a listé les émissions industrielles et agricoles, ainsi que le brûlage des déchets comme autres principales sources de microparticules PM 2.5 à Hanoï.
L'organisation a conseillé le renforcement des contrôles techniques, la création de zones à faible émission dans le centre-ville, ainsi que la promotion des transports publics parmi ses mesures destinées à réduire la pollution liée aux transports.
- Trop cher -
Aujourd'hui, Hanoï ne compte que deux lignes de métro, qui desservent principalement sa banlieue.
Ceux qui "vivent et travaillent sur la route", comme Tran Van Tan, partagent l'incompréhension.
"La durée de vie des batteries ne va pas répondre aux besoins pour des trajets de longue distance. Le coût pour basculer vers une moto électrique est tout simplement trop élevé", explique ce livreur Grab, une application populaire de livraison de repas et de transport.
"Ceux avec des bas revenus (comme nous) ne peuvent pas remplacer comme ça leurs motos", poursuit celui qui effectue 40 kilomètres par jour depuis la périphérie de Hanoï où il habite, au centre-ville.
Les autorités de Hanoï ont assuré travailler sur plusieurs mesures, dont une aide de trois millions de dongs par véhicule (100 euros) pour se convertir à l'électrique.
D'autres villes du Vietnam aimeraient mettre en place des plans similaires, comme Ho Chi Minh-Ville (sud). Le pays, dont le constructeur national VinFast est spécialiste de l'électrique, s'est engagé à atteindre la neutralité carbone d'ici 2050.
Mais à Hanoï, la population se dit toujours circonspecte.
"Les habitants ne peuvent toujours pas supporter le coût du changement", proteste Nguyen My Hoa, une employée de bureau de 42 ans, qui pronostique. "Les autorités ne vont pas être capables d'arrêter les nombreuses motos à essence".
G.Vitali--GdR