La "réindustrialisation" de la France donne encore des signes d'essoufflement
La relance de l'activité industrielle en France, érigée au rang de priorité par le gouvernement après des décennies de déclin, a continué de ralentir au premier semestre 2025, selon un baromètre publié jeudi par la direction générale des entreprises (DGE), un service du ministère de l'Economie.
Tout juste en territoire positif: le solde net entre ouvertures et agrandissements de sites industriels d'une part, et fermetures et réductions d'effectifs d'autre part, ressort à +9 sur les six premiers mois de 2025, selon les données du baromètre industriel lancé en 2022.
Les différents gouvernements des deux mandats d'Emmanuel Macron ont voulu impulser un mouvement de "réindustrialisation" du pays, alors que le secteur est en déclin depuis les années 1970.
L'activité industrielle flirte aujourd'hui avec les 10% du produit intérieur brut (PIB), contre 17% en 1995. Le mouvement est le même à l'échelle européenne, mais il est particulièrement marqué en France.
Or, "après des tendances très positives observées en 2022 et 2023", 2024 a enregistré "un ralentissement de la dynamique de réindustrialisation", a indiqué le service de Bercy dans un communiqué jeudi.
Ce ralentissement s'est poursuivi en début d'année.
"Au premier semestre 2025, la France continue d'ouvrir et d'agrandir plus d'usines qu'elle n'en ferme ou n'en réduit, mais le ralentissement se poursuit avec un solde net d'ouvertures et d'extensions de +9, une baisse notable" par rapport à la 2e partie d'année 2024 (+48)", dit encore Bercy.
En 2024, ce baromètre avait recensé un solde net de -6 usines, qui passait en positif si on y ajoutait les transformations significatives de sites industriels existants, à +88 sites. Ce dernier indicateur était toutefois moitié moins important qu'en 2023.
- "Désindustrialisation massive" -
"On s'est fixé un cap qui est très clair: maintenir l'industrie dans ce pays et aussi aller se battre auprès de l'Union européenne, parce qu'il est temps de sortir de la naïveté sur un certain nombre de sujets, et notamment la concurrence internationale asiatique", a déclaré le ministre en charge de l'Industrie, Sébastien Martin, sur BFM Business.
La tendance confirme celle mise en évidence par un indicateur plus ancien, mené par le cabinet spécialisé Trendeo. Les chiffres du premier semestre 2025 ont été publiés début octobre, et le solde entre ouvertures et fermetures d'usines est "en négatif depuis le deuxième semestre 2024", avec 25 usines perdues au premier semestre 2025.
En comptant les agrandissements/réductions, il est lui aussi toujours faiblement positif.
"La fragilité de la situation actuelle vient du fait que les filières qui étaient censées représenter le renouvellement du tissu industriel (véhicule électrique, énergies nouvelles) sont elles aussi concurrencées, fortement, tandis que la pression sur les industries plus traditionnelles ne s'est pas réduite", analyse Trendeo, qui pointe aussi le rôle de l'incertitude politique, alors que l'activité industrielle nécessite une bonne visibilité sur le long terme.
La secrétaire générale de la CGT Sophie Binet a pour sa part évoqué jeudi sur RTL "un moment de désindustrialisation massive" avec "plus de 300.000 emplois menacés".
Le syndicat a selon elle recensé 444 plans sociaux en France depuis les élections européennes de juin 2024, dont 325 fermetures de sites industriels. "C'est un recensement très partiel. Il nous en manque énormément, c'est juste le petit bout de l'iceberg", a-t-elle déclaré, appelant à une remise en cause de la politique de l'offre du gouvernement.
M.Pellegrini--GdR