

Sur les marchés financiers, l'impact de plus en plus limité des menaces douanières de Trump
Les marchés financiers semblent s'accoutumer depuis des semaines aux annonces multiples et contradictoires de Donald Trump en matière de droits de douane, loin de la réaction de panique provoquée par l'offensive protectionniste du "Liberation Day", début avril. Jusqu'à quand ?
Alors que le président américain a annoncé samedi l'imposition dès le 1er août de droits de douane de 30% sur les produits provenant du Mexique et de l'Union Européenne importés aux Etats-Unis, les Bourses du Vieux Continent ne reculaient que modérément lundi.
Ces "tarifs douaniers sont aussi élevés que début avril", mais "la réaction des marchés est complètement différente", relève Ipek Ozkardeskaya, analyste pour Swissquote Bank, interrogée par l'AFP.
Le 4 avril, après l'annonce par Donald Trump d'une rafale de "droits de douane réciproques" visant presque tous les partenaires commerciaux des Etats-Unis, les Bourses européennes et américaines avaient perdu entre 4% et 6%, du jamais vu depuis le début de la pandémie de Covid-19 en 2020.
- "TACO" -
Malgré plusieurs annonces douanières ces derniers jours, visant plus d'une dizaine de pays et certains produits comme le cuivre, "les marchés semblent de plus en plus blindés", résume Jim Reid, économiste à la Deutsche Bank.
Les indices américains ont retrouvé des plus hauts historiques, tandis que les Bourses européennes attirent à nouveau les investisseurs.
Le principal indice de la Bourse de Francfort, le Dax, grimpe en effet de plus de 20% depuis le début de l'année.
Comment expliquer cette résilience? D'abord, les marchés ont l'expérience des revirements de Donald Trump. L'entrée en vigueur de la plupart des taxes douanières a été repoussée plusieurs fois, le temps d'aboutir à des accords commerciaux avec les pays concernés.
La presse financière a même donné un nom à ces revirements incessants, relativisant le risque pour les investisseurs: le "TACO"( les initiales de "Trump Always Chickens Out", c'est-à-dire "Trump se dégonfle toujours", NDLR).
"Les investisseurs continuent de parier sur le TACO, et sur le fait que les négociations se prolongeront", estime Ipek Ozkardeskaya.
L'absence de riposte européenne à ce stade a aussi rassuré les marchés. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a pour l'instant choisi de faire le dos rond dans l'espoir d'obtenir un accord qui s'avérerait moins douloureux.
Finalement, les investisseurs ont pris en compte le fait que les annonces douanières de Donald Trump sont "davantage un levier tactique qu'une menace économique immédiate", abonde Stephen Innes, de SPI Asset Management, interrogé par l'AFP.
- "Réagir violemment" -
"Les marchés attendent que les négociations se poursuivent", explique à l'AFP Alexandre Baradez, responsable de l'analyse marchés à IG France.
Mais cette complaisance pourrait ne pas durer. La date butoir du 1er août est scrutée. "Contrairement aux dernières dates qui ont été repoussées, celle-ci a l'air vraiment solide", estime-t-il.
"Si des droits de douane massifs sont vraiment appliqués le 1er août, en plein creux estival, les marchés pourraient réagir violemment", renchérit Jim Reid, économiste à la Deutsche Bank.
Les effets des droits de douane déjà mis en place par l'administration Trump sur l'économie américaine sont aussi scrutés. Les droits de douane, tous secteurs confondus, sont en moyenne à plus de 16% à l'entrée des produits sur le sol américain, contre moins de 5% avant l'élection du Républicain.
"Il faudra surveiller les prochaines données sur le comportement des consommateurs et les résultats d'entreprises, qui donneront une idée des conséquences de cette politique sur l'économie", estime Alexandre Baradez.
Les marchés craignent notamment que les droits de douane n'accroissent le risque de "stagflation", c'est-à-dire un ralentissement économique couplé à une flambée de l'inflation, qui empêcherait la Réserve fédérale américaine (Fed) de baisser ses taux pour relancer l'activité.
"L'absence de réaction des marchés accroît l'écart entre la façon dont les investisseurs veulent voir la réalité et ce à quoi la réalité économique ressemblera", prévient Ipek Ozkardeskaya.
C.Ricci--GdR