"Notre usine va crouler": à Dunkerque, les salariés d'ArcelorMittal manifestent contre les emplois menacés
"On se demande ce qui va nous arriver": des centaines de personnes, dont des salariés d'ArcelorMittal inquiets, ont défilé jeudi à Dunkerque pour dénoncer la suppression annoncée d'environ 600 postes en France, notamment sur le site dunkerquois qui est le plus touché.
Au son des tambours et dans une nuée de drapeaux rouges de la CGT, les manifestants, dont certains en casque de chantier et chasubles rouges, ont scandé leur colère dans cette ville portuaire.
"Confisquons les dividendes", "Nationalisation d'ArcelorMittal", ou encore "Du métal sans Mittal", lit-on sur les affiches, en référence au propriétaire indien du géant de la sidérurgie.
Dans la foule, Bruno Copin, ouvrier en maintenance depuis 37 ans, craint pour sa fin de carrière. "J'aurais aimé aller jusqu'à la retraite. J'ai 56 ans, si je suis licencié, retrouver du boulot va être galère", souffle-t-il, ému.
"Même si le métier peut être dur - on transpire, on se salit - je suis content de venir travailler le matin", ajoute l'ouvrier qui dénonce "les bénéfices énormes" de son "patron".
Arnaud, 48 ans, manager en maintenance électrique, dont le poste n'est pas directement menacé, est venu soutenir ses collègues "qui vont recevoir une lettre et devront essayer de retrouver un emploi".
Il se dit "inquiet" car depuis quelques années "toutes les installations se dégradent".
"Il n'y a quasiment plus de budget pour la maintenance, nous sommes en mode pompier en permanence. Les conditions de travail se dégradent". "Notre usine va crouler", lance-t-il.
Marine Devestel, 33 ans, travaille sur le site voisin de Mardyck depuis 13 ans. Elle dénonce un manque de clarté sur l'avenir industriel du groupe.
"On pense que c'est la première vague de suppressions. Mittal veut tout délocaliser en Inde, le projet de décarbonation n'avance pas, aucun chantier n'est lancé", selon elle.
"Je suis la troisième génération à travailler chez Arcelor après mon grand-père, ma mère et j'aimerais pouvoir y finir ma carrière", ajoute la trentenaire.
Mais nous sommes "démotivés parce qu'on se demande ce qui va nous arriver. C'est injuste car nous sommes délocalisés pour les profits de milliardaires".
A ses côtés, sa mère Catherine Kucharski, 64 ans, aujourd'hui retraitée après 40 ans de maison, s'inquiète aussi pour l'avenir de Dunkerque. "Si la sidérurgie meurt ici, Dunkerque deviendra une ville morte."
- "nationalisation" -
"On nous annonce bientôt 300 suppressions de postes", à Dunkerque, "on a peur que ça continue ensuite jusqu'à la fermeture de l'usine", affirme plus loin Jean-Baptiste François, technicien logistique depuis 15 ans.
"On attend plus de franchise et d'honnêteté" des dirigeants "sur la situation et ce qui se prépare sur notre site", ajoute-t-il.
Gaëtan Lecoq, de la CGT d'ArcelorMittal Dunkerque, soulignant qu'une telle fermeture serait un "tsunami industriel, social" qui entraîneraint la disparition en cascade de très nombeux emplois, a appellé à une nouvelle mobilisation à Paris le 13 mai à l'occasion d'un CSE central.
Plusieurs responsables politiques ont rejoint le mouvement, dont le premier secrétaire du parti socialiste Olivier Faure, le député divers gauche François Ruffin ou Marine Tondelier, secrétaire nationale des Écologistes.
Ils ont réclamé la relance du projet de décarbonation des sites, une protection douanière face à la concurrence accrue de l'acier chinois et une entrée de l'État au capital. Ils veulent "zéro licenciement".
"Nous serons aux côtés des salariés en lutte jusqu'à ce qu'on obtienne la nationalisation des hauts fourneaux", a déclaré la députée insoumise Aurélie Trouvé, accusant ArcelorMittal d'organiser le "sabotage" des sites et "la chute de la métallurgie française".
Le sidérurgiste a annoncé mercredi de meilleurs résultats que prévu au premier trimestre après l'annonce d'un plan d'économies pour regagner sa compétitivité en Europe, portant sur 1.400 postes.
Le plan présenté le 23 avril prévoit la suppression de quelque 600 postes dans le Nord et l'Est de la France, touchant les fonctions support – délocalisées vers l'Inde – mais aussi la production.
Ces suppressions concernent les usines de Dunkerque et Mardyck dans le Nord, mais aussi Florange (Moselle), Basse-Indre (Loire-Atlantique), Mouzon (Ardennes), Desvres (Pas-de-Calais) et Montataire (Oise), qui emploient au total quelque 7.100 salariés.
C.Gatti--GdR